J'ai assisté ce midi, dans la salle des professeurs d'une école bruxelloise, à un débat impromptu entre un professeur de sciences commerciales et un professeur de morale. Le sujet ? Les impôts et la liberté d'entreprendre.
Le professeur de sciences commerciales, un jeune homme dynamique et entreprenant, arrondit ses fins de mois en accomplissant un travail de vendeur pour le compte de plusieurs sociétés. Mais voilà : le fisc et l'ONSS prélèvent une part importante des revenus de cette activité supplémentaire, et le jeune homme fait part à quelques collègues de l'amertume qu'il ressent à travailler plus de la moitié du temps pour l'Etat et non pour lui.
C'est à ce moment qu'intervient un professeur de morale, par ailleurs délégué syndical. Il explique à son collègue médusé qu'il est parfaitement normal que l'Etat pénalise ainsi sa volonté d'entreprendre. En effet, raisonne-t-il, notre jeune professeur occupe déjà un poste d'enseignant. Par conséquence, le travail supplémentaire qu'il effectue prive un autre de la possibilité de travailler. Il est donc légitime, conclut-il, que l'Etat punisse ce comportement individualiste et "antisocial". Son interlocuteur manque de s'étouffer, puis proteste. Il argue de ce que personne ne semble avoir convenu jusque là pour le poste en question, et que par conséquent il est bien clair qu'il ne prive personne de quelque travail que ce soit(1). Peu importe, rétorque le professeur de morale décidément bien peu moral, en agissant de la sorte, le jeune enseignant se met à gagner plus que les autres, et satisfait ainsi des pulsions égoïstes qui doivent être découragées par l'action de l'Etat. Comme l'autre s'insurge à nouveau, le moraliste contre avec un argument relativiste : "de toute façon, ce qui s'affronte, ce sont deux conceptions différentes de la société". La sonnerie de fin de récréation met un terme à la discussion et chacun rejoint ses rangs.
Mon jeune collègue ne décolère pas. Alors que nous montons vers nos classes, il me lance : "il est grave, ce type, il trouve normal que l'argent que je gagne en travaillant plus que les autres me soit pris afin d'entretenir des gens qui ont fait le choix de ne pas travailler".
"Ce sont effectivement deux conceptions de la société qui s'affrontent", lui réponds-je. "Mais la manière dont il le présente sous-entend que ces deux conceptions ont égale valeur. Or, ce n'est clairement pas le cas. Ta position, celle de la liberté d'entreprendre, ne viole la liberté et les droits de personne. La sienne, par contre, défend à la fois la spoliation et la coercition. D'un côté, la liberté, de l'autre l'esclavage. Je trouve qu'il serait temps de rappeler aux cuistres de son espèce qu'ils sont du côté des tyrans."
(1) Notez d'ailleurs que mon collègue n'aurait même pas dû répondre à un argument aussi fallacieux. Sans s'attarder sur le non-sens économique qu'il représente, cette idée de "priver quelqu'un de travail" suppose que quelque part un planificateur a établi la quantité de travail qu'on ne peut dépasser sous peine d'être étiqueté "asocial". Elle suppose aussi qu'il est légitime pour un Etat de forcer les gens à ne pas travailler plus qu'ils n'y sont autorisés sous peine d'une intervention plus ou moins musclée. Poussée jusqu'à ses dernières conséquences, l'idée du professeur de "morale" justifie l'existence d'une dictature chargée de faire respecter par la force une "planification économique"
mardi 22 mai 2007
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2 commentaires:
Bonjour,
Toujours "l'illusion du bus".
Inutile d'essayer d'expliquer l'effet multiplicateur de l'emploi.
Peut-être par l'absurde? Si on envoye la moitié des profs à la pension, la moitié des travailleurs, l'économie va-t-elle aller mieux?
Xavier
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