samedi 23 juin 2007

La diabolisation de l'économie

Un excellent éditorial de l'économiste Alain Siaens est paru aujourd'hui sur La Libre en ligne sous le titre "Préjugés tenaces et concepts incompris". L'auteur y évoque les réticences générées chez les politiciens socialistes et sociaux-démocrates par le concept de "pension par capitalisation", opposé à la "pension par répartition" qui est le mécanisme de financement actuel des pensions octroyées par l'Etat.

Alain Siaens s'intéresse principalement aux préjugés liés au terme de capitalisation, mais il ne me paraît pas inutile de faire une petite digression : la pension par répartition, outre son caractère franchement rétrograde, est en effet un non-sens économique, que l'évolution de la démographie achèvera de torpiller. Ce que nos politiciens refusent obstinément d'admettre, sauf lorsqu'il s'agit d'éviter que l'écroulement du système ait lieu dans un futur trop proche. Lorsque c'est le cas, une petite réformette éloigne temporairement le danger. Si vous jetez un oeil à cet article, vous constaterez cependant que les fondamentaux économiques et démographiques n'ont pas changé, ainsi que nous l'explique fort à propos le journaliste de Trends à l'Ecole :

A l'époque où ce système a été conçu, la structure de la population belge était très différente d'aujourd'hui. Regardons la « pyramide des âges » de l'année 1948 (voir graphique). Les plus de 60 ans ne constituaient qu'une petite partie de la population. La charge que faisait peser le financement des pensions sur le salaire des actifs était donc plutôt réduite. De plus, l'espérance de vie à la sortie de la guerre était à peine de 65 ans. Même si la mise à la retraite avait lieu plus tôt, cela signifie que le décès survenait quelques années à peine après la pension. En plus de cinquante ans, la situation a beaucoup changé. L'espérance de vie en Belgique est aujourd'hui de près de 79 ans. C'est évidemment une bonne chose, mais cela met en péril notre système de pensions. De quelques années à peine de retraite bien méritée, nous arrivons en effet à 14 ans. De plus, la structure de la population s'est aussi modifiée, ainsi qu'on peut le constater sur la « pyramide des âges » de l'année 2004. La part des plus de soixante ans dans la population a fortement augmenté. Pour une personne à la retraite, il y a aujourd'hui à peine 2,5 personnes en âge de travailler (c'est ce qu'on appelle le taux de support potentiel). La charge que font peser les pensions sur les revenus des travailleurs a donc considérablement augmenté. Et les statisticiens prévoient que d'ici 2050, le taux de support potentiel passera à seulement 1,45 ! Ajoutez à cela qu'entre temps s'est créé un système de « prépensions » qui permet aux travailleurs qui le souhaitent de partir à la retraite à partir de 58 ans, et la conclusion s'impose d'elle-même : il sera impossible de maintenir tel quel le système actuel des pensions.


Analyse typiquement économique que celle-le. Objective et dérangeante, car destructrice de préjugés : soit on change le système, soit il s'écroule à terme, soit encore on le finance par une augmentation de la pression fiscale, ce qui risque de précipiter le déclin de la Belgique, pays déjà champion en la matière, et que désertent peu à peu les entrepreneurs.

Seulement cette analyse dérange les politiciens sociaux-démocrates. Il leur faudrait en effet avouer qu'ils se trompent depuis plus d'un demi-siècle, ou plutôt qu'ils tentent de se voiler la face et de tromper l'opinion publique. Mais pourquoi l'opinion publique se laisse-t-elle berner ? Alain Siaens nous suggère une réponse :

Si un industriel condamne une activité telle que la spéculation, s'étonnera-t-on qu'a fortiori des enseignants amers le fassent, se réfèrent même à lui et vilipendent ces facettes de l'économie de marché, si bien que leurs élèves sont biaisés et mal renseignés sur le monde de l'entreprise. Un de mes amis m'a avoué qu'adolescent il avait entendu un enseignant (d'un ordre religieux très romain, très centralisé, et dont le chef est appelé général) nous vanter la noblesse des métiers "publics" de magistrat, militaire, enseignant, fonctionnaire, politicien, etc, et décrier les activités entrepreneuriales en traitant de marchands de saucisses ceux qui s'y destineraient.


Nous en revenons - et ce sera notre conclusion avant un prochain article qui aprofondira la question - au rôle néfaste joué par l'enseignement étatisé dans nos social-démocraties francophones : l'enseignement organisé par l'Etat est en même temps outil de propagande. Le message que l'on demande aux enseignants de véhiculer est clair : la liberté économique est un mal, seul l'Etat peut garantir notre salut. La perversion de l'enseignement de l'économie dans le secondaire est à cet égard révélatrice. Loin d'inculquer aux élèves le sens de l'analyse économique rigoureuse, il tend à verser dans l'émotionnel et le non-scientifique, afin de mieux répandre la bonne parole collectiviste. La science économique est un formidable outil de compréhension du monde. En la rendant inutilement rébarbative et en la pervertissant pour lui faire servir leurs besoins de propagande, les politiciens sociaux-démocrates fabriquent la nation d'abrutis qui continuera à les réélire sans broncher.




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